S’il ne peut se libérer
de la haine meurtrière dont les premières
années de sa vie l’ont rempli, celui qui
fut un enfant maltraité assouvira cette haine
sur les autres sitôt qu’il en aura l’occasion.
Qu’il est triste de ne pas avoir d’amis, uniquement des ennemis.
En est-il vraiment ainsi ? La vie est-elle une guerre ? A en croire
des chercheurs réputés, la capacité d’adaptation
des êtres vivants joue un rôle décisif dans la sélection
naturelle. Avons-nous, nous l’espèce humaine, de si grandes
difficultés d’adaptation ? Ce n’est sans doute pas
le cas. Comment se fait-il, alors, que sur notre planète l’on
ne cesse quotidiennement de tuer, d’assassiner, de torturer - le
plus souvent sur ordre d’une instance "supérieure" ?
On qualifie ses victimes ou ses ennemis de "mauvais" ou de "malfaisants",
et cela suffit souvent pour les vouer à l’extermination. S’agit-il
là d’actes mercenaires que n’importe lequel d’entre
nous est prêt à commettre pour le compte d’autres individus
ou d’une quelconque puissance ? Ou bien faut-il pour cela des
raisons précises ? Des raisons de tuer son prochain, il peut
y en avoir autant que d’êtres humains. Par bonheur, tous les
êtres humains n’ont pas une histoire de vie qui leur "permet"
d’en tuer d’autres sur ordre, et d’un cœur léger.
Ceux qui ont vécu une autre histoire ne veulent pas tuer, même
lorsqu’on le leur ordonne. Ils ont même scrupule à tuer
en cas de légitime défense. Quelles sont donc les raisons
profondes qui rendent un être humain "capable" de tuer ?
C’est la haine de la vie, inoculée par leur enfance, qui entraîne
le désir de mort et le plaisir de tuer. Ces enfants ont été
à tel point "dégoûtés" de la vie qu’ils
n’attendent que l’occasion d’exprimer en actes leur haine
de la vie, et de se venger de ce que l’on ait osé leur faire
mener une telle "vie". Leur propre peur, et celle du châtiment,
les retiennent. Mais malheur à nous s’ils accèdent à
un pouvoir. Les crimes des grands massacreurs de notre siècle (par
exemple Hitler, Staline) sont connus. Mais ce dont la conscience collective
n’a le plus souvent qu’une faible idée, c’est l’origine
de leur rage destructrice. En tous cas, on n’en parle guère
à l’intention du grand public. Il serait pourtant essentiel
qu’il sache quelles déviations ont fait de ces êtres humains
des monstres, afin d’apprendre à éviter à l’avenir
ces dangers et tant de souffrances inutiles. Il n’est certes pas agréable
de devoir se pencher sur de pareils monstres, surtout si l’on doit
par la même occasion rencontrer son propre "petit monstre".
Bien des habitants de notre planète sont malmenés dans les
premières années de leur vie et donc nombre d’entre nous
hébergent un persécuteur (plus ou moins petit ou grand) en
leur sein. Au cas où ce monstre en nous devient aussi grand que le
mauvais génie dans la bouteille, de sorte qu’il risque en se
dilatant de la faire éclater, il y a péril en la demeure.
L’intéressé est un danger latent pour lui-même
et les autres. Il faut que la bouteille soit très solidement bouchée
pour empêcher le mauvais génie destructeur de s’en évader
et de devenir un monstre géant.
Dans leur furieux désespoir, ceux qui furent des enfants maltraités
se dressent contre tout et tout le monde. Beaucoup d’entre eux avouent
: « De rage, je pourrais détruire le monde entier. »
Les termes "furieux" ou "enragé" sont trop faibles
pour décrire l’état d’un être humain qui avance
dans l’existence avec une haine de la vie et un désir de mort
latents. S’il ne peut se libérer de la haine meurtrière
dont les premières années de sa vie l’ont rempli, il
l’assouvira sur les autres sitôt qu’il en aura l’occasion.
Ou bien il se transformera lui-même en victime expiatoire sur l’autel
des parents et contractera une maladie mortelle, en vertu du raisonnement
"seul un enfant mort est un bon enfant". Bien des destins sont
ainsi placés sous le signe inconscient du désir de mort.
Les Assassins sont parmi nous n’est pas seulement le titre d’un
film, c’est une réalité quotidienne. On "fabrique"
des assassins, et on les lâche sur l’humanité. Qui élève
des enfants en en faisant des meurtriers latents ne peut être qu’un
contempteur du genre humain.
jks