Les leçons de la clinique

Des mille façons de souffrir, une seule peut se justifier

crainte, douleur, deuil

La victime d'un rappel éprouve brusquement un sentiment intense d'abandon (Dufour, 2007) , ou d'exclusion et d'impuissance, ou une douleur précise, ou un mal-être diffus, ou une angoisse, ou une colère, accompagnés par les manifestations neurovégétatives propres à chacun de ces symptômes. Dans certains cas elle peut se trouver brusquement incapable de "valider" un acte, faute d'avoir pu intégrer ce qui, pourtant, a été capté par ses sens et dûment enregistré par ses centres nerveux. Elle en est alors réduite à répéter cet acte encore et encore. Par exemple, juste avant de quitter son logement pour se rendre à un rendez-vous qui suscite un rappel, la victime doit répéter plusieurs fois les gestes par lesquels elle contrôle que la cuisinière est bien éteinte ou que les robinets de la salle de bain sont bien fermés. Ça lui prend du temps. Trop de temps. Au point qu'elle risque de rater son rendez-vous. Mais c'est plus fort qu'elle.

Si la victime d'un rappel peut présenter les symptômes les plus variés, le plus souvent elle ne reconnaît que trop "son" symptôme. Elle en ignore toutefois l'origine et ne peut le prévenir. Le symptôme est pour elle un lourd handicap non seulement par la souffrance qu'il lui inflige, mais aussi en ce que parfois il est générateur de comportements qui la desservent. Il en est ainsi de "l'espoir fossile" qui la voue à une attente opiniâtre, bien que le plus souvent inconsciente, de ce qui - ou de qui - viendrait combler le vide laissé par un besoin primal inassouvi. Cette attente peut d'ailleurs se doubler d'une exigence : la victime du rappel exige du monde ou d'autrui ce que rien ni personne, en définitive, ne peut lui apporter. « Elle souffre de ses compulsions inconscientes, a envers autrui un comportement provocateur et, involontairement, pèse sur son entourage. Elle souffre de ses sentiments de culpabilité, est enfermée dans un cercle infernal. » (Stettbacher, 1990, op. cit.). Sa seule issue est d'en prendre conscience et d'entamer le deuil de ses attentes fossiles. Alors seulement elle aura des chances de découvrir ses attentes d'adulte et de les voir comblées par d'autres adultes auprès de qui elle aura su les exprimer.

En conclusion, s'il y a mille façons de souffrir, une seule peut se justifier. C'est celle qui consiste, pour le patient, à prendre conscience "dans sa chair" du traumatisme ou de l'état de fait durable qui, dans sa vie primale, a initié son mal de vivre. Car en fin de compte seule une telle prise de conscience lui permet de mener à son terme le processus thérapeutique qui va le libérer du symptôme.

 

 

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