Je ne peux pas vivre si vous ne voulez pas de moi et ne pouvez pas maimer.
Cest là, inéluctablement, la réaction dun enfant
non désiré et par la suite non aimé.
Par bonheur, ces enfants trouvent parfois de lamour
auprès dun autre membre de leur entourage. Ce nest
pas fréquent - létat et la détresse
de tant de nos contemporains nen témoignent
que trop clairement. Il ny a aucune raison - sauf
égoïsme, exploitation dautrui et mépris
de lhumanité - de mettre au monde, consciemment,
un être humain que lon naimera pas. Mais, inconsciemment,
cela se produit tous les jours, mille et mille fois. Résultat :
un accroissement quotidien du potentiel destructeur de lhumanité.
Une multiplication quotidienne des instruments de la catastrophe:
des êtres mis au monde à laveuglette, avec
une totale irresponsabilité, et voués à se
détruire eux-mêmes ou à détruire le monde
environnant.
Lêtre humain, animal timide à laube de
son histoire, a pris le pouvoir sur notre monde : cest
pourquoi il est, sur cette planète, la créature
responsable. Chacun dentre nous doit, sans délai,
prendre conscience de sa responsabilité si nous
voulons enrayer la destruction de la vie avant lépuisement
de nos ressources.
Cest pourquoi la responsabilité globale commence
par celle de lindividu. Or celui-ci ne peut lassumer
que sil est conscient de lui-même et de son environnement.
La balle est dans le camp des parents: ils peuvent se remettre
en question. Lenfant, lui, ny parviendra quavec
le temps, et encore à condition que son intégrité
ait été préservée. Les hommes
et les femmes à qui il a été interdit
de devenir conscients, et qui de ce fait ont abîmé
leurs enfants ou leur ont porté préjudice,
se montrent incapables de faire face à leurs torts. Sans
une aide extérieure, ils emploieront tous les moyens
pour éviter douvrir les yeux sur les tristes
conséquences de leur comportement.
Dans une culture où lon se décharge constamment de ses
responsabilités sur des "supérieurs", nier ses torts
est de règle.
Etre dans son tort ne signifie pas forcément
que lon a commis quelque acte criminel. La faute, cest
essentiellement davoir failli à ses obligations*:
avoir négligé les besoins de son enfant,
ne pas avoir su les satisfaire, ne pas avoir su donner. Si lon
regarde les choses objectivement, on ne doit quelque chose
quà un enfant, car il est faible et dépend
de nous. Par principe, seul le puissant peut se mettre
en faute envers le faible, celui qui na aucun pouvoir.
Quel mal un petit enfant, aussi furieux soit-il, peut-il faire
à son père ? Les parents nont pas non
plus besoin que leurs enfants soient obéissants. Les enfants
apprennent vite et suivront le bon exemple - pourvu que lon
soit capable de le leur donner.
Aujourdhui chacun dentre nous est confronté avec "tout".
Comme nous ne grandissons plus dans la sécurité dun
petit groupe clos, trouver cette sécurité au sein de la cellule
familiale est dune importance cruciale. Vivre son enfance en se sachant
protégé est la condition fondamentale pour devenir un être
humain conscient. Un enfant qui apprend à communiquer sans crainte
est capable de saisir beaucoup de choses et de rapports entre les choses,
et de comprendre le monde, aussi compliqué soit-il.
* Lallemand utilise le même mot, "Schuld", pour "faute"
et "dette" - et en français "faute" dans son
sens ancien, "absence, défaut" (N.d.T.).
jks